vendredi 20 août 2010

Mémoires de la 2nde Guerre mondiale en France

"La génération des contemporains et celle à laquelle j'appartiens, née dans l'ombre portée de la Seconde Guerre mondiale, a fait de l'histoire, mais pour se déprendre de cette histoire, pour desserrer son emprise. Michel de Certeau, après Jules Michelet, disait que faire de l'histoire, c'est aller visiter les morts pour qu'après cette visite ils retournent moins tristes dans leurs tombeaux. Le discours de l'historien reconduit les morts, les ensevelit : "il est déposition. Il en fait des séparés. Il les honore d'un rituel qui leur manque". Il les "pleure". Car toute quête historique "cherche à calmer les morts qui hantent encore le présent et à leur offrir des tombeaux scripturaires". "L'histoire est fondée sur la coupure entre un passé, qui est son objet, et le présent, qui est le lieu de sa pratique". L'histoire est aussi une des modalités du travail de deuil, tentant d'opérer - avec bien des difficultés de tous ordres -, l'indispensable séparation des vivants et des morts. Les générations qui reprennent le chantier sont plus éloignées des événements dont trois, voire quatre générations les séparent. Elles sont mieux capables peut-être de respecter l'éthique de la profession d'historien, la nécessaire soumission aux faits dans le respect de leur vérité et la mise en oeuvre d'une morale de l'intelligence que ne brouille pas la douleur du souvenir des morts.




C'est dans cet espace laissé aux vivants, l'espace de la liberté et de la pensée, que se dessinera peut-être une nouvelle de la visite d'Auschwitz qui permettra enfin de penser le présent, c'est-à-dire, pour reprendre Marc Bloch, non seulement ce qu'aujourd'hui porte d'empreinte d'hier, chez les individus comme dans nos sociétés, mais surtout ce qu'il a de neuf et de surprenant."


A. Wieviorka, Auschwitz, 60 ans après.

Quelques références d’ouvrages :
- Rudolf Hoess, Le commandant d'Auschwitz parle, éditions La Découverte, Paris, rééd. 2005 ;
- Annette Wieviorka, Auschwitz, 60 ans après, éditions Robert Laffont, Paris, 2005 ;
- Jean-François Forges, Eduquer contre Auschwitz, Histoire et mémoire, collection Agora, Pocket, rééd. 2004 ;
- Jacques Sémelin, Purifier et détruire, usages politiques des massacres et génocides, collection La couleur des idées, Seuil, Paris, 2005.
- Robert Paxton, La France de Vichy, Le Seuil, 1973, rééd. 1997

Quelques liens intéressants :
- La très utile rubrique de J.-P. Husson sur le site du CRDP de Reims
- Le discours du 16 juillet 1995 de Jacques Chirac (Rafle du Vel d'Hiv) et les réactions qu'il peut susciter chez les souverainistes (anecdotique, mais intéressant pour montrer comment on peut encore se déchirer autour de l'héritage gaulliste et la mémoire de l'Occupation...)
- Le site de G. Karmasyn, le plus complet en ce qui concerne le négationnisme : Pratique de l'Histoire et Dévoiements Négationnistes (PHDN)
- Autour de "Nuit et Brouillard", le film d'Alain Resnais, un débat intéressant sur la Mémoire de la déportation :
* Le compte-rendu de D. Letouzey à propos de la diffusion de l'émission "La fabrique de l'Histoire" consacrée au film
* Les entretiens de la Diffusion des savoirs : Sylvie Lindeperg (univ. Paris III) à propos de son ouvrage, Nuit et Brouillard, Un film dans l’Histoire.
* Le dossier Télédoc du CNDP
- Sur les procès :
* René Bousquet : CRDP de Reims
R. Bousquet n'aimait pas que l'on vienne essayer de lui poser une question :

* Paul Touvier : Un site "spécialisé" sur les criminels de guerre et contre l'Humanité
(Voir également Bousquet et Papon sur ce même site)
* Maurice Papon : Le gigantesque dossier du journal Sud Ouest.
* Klaus Barbie : Un dossier du CNDP
- Un dossier sur Moulin sur le site du Centre Régional "Résistance et Liberté" de Thouars (ne pas hésiter à explorer le site, notamment la rubrique "archives").
- Des textes à lire, pour mieux comprendre le contexte de l'après-guerre et les enjeux mémoriels : le site de Cliotexte : collaboration et résistance, .GM2 et Shoah, l'antisémitisme en France (1940-1944).








Un exemple intéressant de "confusion mémorielle" : la chanson de Jean Ferrat, Nuit et Brouillard (décret des nazis condamnant à la déportations les seuls résistants et opposants au régime), créée en 1963, dans laquelle l'auteur-compositeur rend hommage à toutes les victimes du système concentrationnaire nazi (son propre père est mort à Auschwitz) et une lecture de la lettre de Guy Môquet, jeune résistant communiste fusillé par les Allemands, illustrées par des images de la seule Shoah...

Cas qui est loin d'être isolé...

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